Où il est question de rendement et de plaisir:  Les Suisses aiment leurs banques, ils reçoivent à leur naissance un carnet d’épargne. Vous vous souvenez de ce petit livret ? Le mien était rouge et bleu comme les célèbres bonnets de ski de la banque en question. Mais si l’argent de ma tire-lire sert à payer les bonnets et les gros bonnets de la banque,  et me resservir un taux d’intérêt de 1% (en me piquant au passage des frais de gestion qui bouffent l’intérêt), je me dis qu’il y a un tour de passe-passe qui fait de moi une pigeonne…

La nature, elle, est bien plus généreuse ! Une pomme de terre de 80 grammes, plantée au mois d’avril, vous offre entre 800 grammes et 1.5 kilo de tubercules au mois de septembre! Si un banquier vous proposait ne serait-ce que 4% “garanti”, vous y regarderiez à deux fois. En plus, essayez de manger une pièce de 2 francs, ça fait mal aux dents !

Alors oui, pour avoir du rendement, il faut avoir une surface de plantation, travailler un peu, surveiller l’évolution des plantes, apporter du compost, faire fuir les prédateurs. C’est comme pour le fric (qu’on appelle volontiers le blé ou l’oseille…), faut surveiller les cours de la bourse, investir sur le bons produits. Pour ce qui est de faire fuir les prédateurs, regardez dans la direction de votre banque: actionnaires  et management sont grassement rémunérés avec vos patates !

Alors, y’a plus à hésiter : investir dans le jardin potager: pour manger sans pesticides, de bons produits variés et sains  que vous aurez la fierté d’avoir élevés vous-mêmes avec, cerise sur le gâteau, un rendement économique. Petit calcul à la louche:

  • achat d’un kilo de pommes de terre à planter, disons chf 4. – (ça peut aussi le faire avec celles que vous avez oublié au frigo, pourvu qu’elles soient bio, sinon, traitement retardateur de germination),
  • le travail du jardinier pour ce même kilo,  disons 20. –
  • un peu de matériel amorti en 5 ans, disons 3. –
  • 2-3 bricoles pour 2. –
  • notre investissement total est donc  de 32. –

Combien nous rapporte-t-il ? nous allons récolter entre 12  et 15 kilos, soit, suivant la variété entre 48.- et 60. -. Le rendement va bien sûr augmenter significativement avec le volume, en diminuant les coûts de production.

Je vous parle pas du plus important: le plaisir et le bonheur d’être au jardin et de déguster un gratin selon Joël Robuchon avec les amis autour de la table ! Et y’a pas que la pomme de terre à être généreuse, je vous parle même pas des tomates (des dizaines de kilos avec les graines d’un seul fruit), des courges, etc.

Soit dit en passant, la pomme de terre avec son ratio travail-volume-calories est un des aliments les plus consommés au monde, et que, quand elle est atteinte de maladies, son manque peut provoquer des catastrophes humanitaires, comme la grande famine irlandaise de 1845 qui fit en quelques années, un million de morts et deux millions d’émigrés environ. Cette famine, causée sur le terrain par le mildiou, fut largement favorisée par le système économique en vigueur à cette époque (politique coloniale britannique, diminution des surfaces, expropriations de masse, etc.). Des facteurs politico-économiques que l’on retrouve aujourd’hui dans la financiarisation de la production agricole mondiale menaçant les paysans et la sécurité alimentaire, en Afrique en particulier.

Bref, vous avez compris le message : invitez votre banquier à vous aider à planter des patates et, 3 mois plus tard, offrez-lui un bon repas  qui va le caler autant qu’un oreiller de billets de banque (pourquoi pas une soirée aligot arrosée d’un petit Sancerre?). Ça va peut-être lui donner envie, lui aussi, de cultiver son lopin!

Elle est pas belle la vie ?