Virtuose du potager, Jean-Baptiste de la Quintinie (1626-1688), vous connaissez ? Je l’ai, pour ma part découvert, en lisant les ouvrages d’Alain Baraton, jardinier du parc du Trianon et du château de Versailles, qui m’ont donné le désir de mieux connaître celui qu’il qualifie de plus grand jardinier de tous les temps.
JBQ (qu’il me pardonne cette familiarité) était destiné à devenir avocat, mais les mains dans la terre, il se découvre une passion et un talent qui ne cessera de cultiver. Au contraire des jardiniers célèbres de cette période (Le Nôtre, Le Brun), c’est un modeste, un humble, qui entretient une relation de complicité et non de domination avec la nature. Il était aussi un génie expérimentateur et solitaire, un chercheur passionné et patient, qui pour garnir la table du Roi, parvient à faire pousser des asperges et des fraises juteuse au mois de décembre ! Un pédagogue aussi : Son ouvrage, que je tiens entre mes mains, l’Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, est une merveille de savoir encyclopédique, de poésie truculente et d’observation fine. On y trouve des informations essentielles et toujours d’actualité sur la manière de conduire en particulier les arbres fruitiers. Une sorte de volonté encyclopédique, qui peut paraître parfois aride, en comparaison avec l’édition actuelle en matière de livres de jardinage (par exemple, Le jardin des paresseuses, Vite ! Un beau jardin, le potager pour les nuls etc.).
Je ne résiste pas à citer ici un extrait de sa préface adressée au Roi Soleil:
» La nature, ce me semble, prend plaisir à ne rien refuser à Votre Majesté, et qui la regarde en effet comme le plus parfait de ses ouvrages, a sans doute réservé pour son auguste règne ce que la terre a caché à tous les siècles passés. Ce n’est qu’à force de sueurs que les hommes ordinaires arrachent du sein de cette mère commune ce qu’ils sont obligés de lui demander tous les jours pour leur subsistance, parce que sa plus forte inclinaison ne va qu’à produire des chardons et des épines; mais pour peu que Votre Majesté continue à favoriser de ses regards ceux qui ont l’honneur de la cultiver dans ses jardins, nous verrons, à la gloire de notre Monarque, et à l’avantage du genre humain, que ce qui été inconnu à toute l’Antiquité, ne le sera plus pour personne »
Dans sa bible potagère, (dont tous les jardiniers pourraient -devraient ?- s’inspirer, en tous cas en se plaçant dans l’attitude de l’observateur attentif et méticuleux) JBQ dresse des listes descriptives et évaluatives d’arbres fruitiers, en particulier de ceux qu’il a planté à Versailles. On y trouve aussi les outils et les termes propres au jardinage, d’une délicieuse désuétude, les instructions de culture pour toutes les saisons, un manuel de taille, le tout avec une volonté pédagogique évidente. Mais point de pommes de terre, ni de tomates, bien sûr! Quel dommage d’ailleurs, j’aurais adoré lire Jean-Baptiste sur ces sujets!
Inventaire à La Quintinie:
Les pommiers : Court-pendu, Cousinotte, Haute-Bonté, Pigeonnet, Rambour, Fenouillet, Drue-Permein, Pommes de Glace, Francatu…
Les poiriers: Virgoulé, Petit-Oin, Bon-Chrétien, Cuisse-Madame, Messire-Jean, Petit Blanquette, Cassolette, Sucré-Vert, Rousseline, Pendard, Satin Vert, Brute-Bonne, Or d’automne, Parfum d’été…
Et j’en passe…. Quand aujourd’hui, on a de la peine à trouver plus de 15 variétés de pommiers en Suisse, on peut se rendre compte de ce que l’on a perdu en biodiversité.
Jean-Baptiste devrait être le saint patron des jardiniers !
Et je fais ici la promesse de parcourir cet hiver les 1000 pages du Traité (réédité par Actes Sud en 2016).