Le petit matin au jardin, faire quelques pas dans l’herbe ruisselante de gouttes de rosée, c’est goûter à la tranquillité de l’âme avant que le monde pétaradant ne (re)prenne le contrôle. Marcher pieds nus avec la lenteur d’une moine zen, au soleil rasant, en étant attentif au moindre changement: Tiens, la pivoine est sur le point d’éclore, encore un peu de patience! Ici, un animal est passé durant la nuit, les tulipes ont un peu souffert du froid et se réjouissent de sécher leurs corolles au soleil naissant. L’ancolie fragile se redresse. Les feuillages humides jouent de transparences tandis que oiseaux et insectes jouent leur symphonie dans l’air frais. Le matin est le meilleur moment du jardin de printemps et d’été, la lumière y est encore limpide et fraîche.
Je m’en tiens alors au constat temporaire: dans le jardin, l’équilibre n’est jamais stabilité. Mais lors de cette courte déambulation, le temps semble comme ralenti. Peu de choses échappent à l’oeil du jardinier pérégrinateur matinal.
On n’ose à peine penser à une intervention tant il ne semble rien manquer ici. Et pourtant, ce paysage est le fruit des “hasards” de la nature et de la compétence (ou la difficulté) d’adaptation à un contexte donné de la part jardinier, en l’occurence de la jardinière… L’inquiétude et l’impatience me poussent à ajuster ici, enlever là, couper ceci. Finalement, c’est moi, malgré ma modestie d’apprentie, l’élément volontairement pertubateur (ou créateur) dans ce système.
Le jardin est une nature domestiquée, le fruit de la collaboration entre la nature et l’homme, à l’image que celui-ci se fait d’un refuge ou d’un paradis matriciel retrouvé. A chacun le sien donc! Le hortus conclusus des monastères, représentation même du paradis, au centre duquel trône la Vierge Marie, le jardin arabe avec ses plans d’eau où se reflète la grandeur du ciel, le jardin de pierre ultra-maîtrisé du Japon, le jardin à la française démontrant la supériorité de l’homme sur la nature soumise, ceux de Gilles Clément ou de Gertrude Jekyll où s’épanouissent les vagabondes… Les courbes, les lignes, les structures, les associations et les couleurs sont là pour donner du sens à la création en mouvement perpétuel.
“Si la vie n’est qu’un passage, sur ce passage au moins, semons des fleurs” disait Montaigne. Il y a toujours quelque chose à être ou à faire (ou à ne pas faire) au jardin, et c’est ça, l’enseignement de notre minuscule promenade matutinale.
Mais, le soleil monte, il est temps de se sécher les pieds et d’aller travailler.
Corinne
Magnifique promenade matinale qui donne envie de déambuler de bon matin, malgré la pluie chagrine de ce jour.
Christine
Merci, c’est encore plus beau après la pluie…
Helene
Magnifique balade!