Terre des femmes

A quelques jours de la grève des femmes suisses, il me semble opportun de parler un peu du rôle des femmes dans la production alimentaire de proximité. Dans nos contrées, il y a  encore quelques dizaines d’années, pas de maison de village, de ferme sans son jardin potager. Je me souviens de celui de ma grand-mère, tiré au cordeau, bordé de fleurs annuelles, qui assurait les légumes pour toute l’année. Je la revois biner, sarcler, faire la chasse aux limaces qu’elle lançait d’un geste alerte dans le poulailler. Les poules faisaient alors office de compost. Produire et conserver, était indispensable à l’équilibre économique familial. Bocaux de fruits et légumes stérilisés, bouteilles de sauce tomates, confitures,  remplissaient les étagères à la cave, avec les pommes et les pommes de terre de conservation. J’adorais cette odeur terreuse de cave… perspective de festins dominicaux sains et roboratifs! L’arrivée du grand congélateur-bahut au début des années 70, installé dans cette même cave, a été une sorte de rite de passage vers la modernité!

Aujourd’hui encore, le potager près de la ferme est, en général, géré par les femmes, qui maintenant, chose réjouissante, abandonnent les produits phytosanitaires et se mettent aussi à la permaculture. D’ailleurs, en Suisse, un tiers des personnes actives dans l’agriculture sont des femmes. Donc, hommage à elles!

Mais c’est dans les pays les plus vulnérables de la planète, que le rôle des femmes dans la production alimentaire de proximité est à souligner. Que se soit en Afrique ou en Amérique latine, la captation des terres par l’urbanisation galopante, l’insécurité économique, la diminution des ressources naturelles, la crise climatique sont des facteurs de développement de toutes sortes de projets au centre desquels se trouvent les femmes. Proposer des circuits courts, produire sa propre alimentation, acquérir des revenus complémentaires par la vente locale des produits, s’entraider  et se co-former entre femmes sont autant de  raisons du développement du maraîchage de proximité. Un maraîchage la plupart du temps biologique, consommant peu de terrain, grâce à l’utilisation optimale de petites parcelles marginales, souvent de manière collective. Parfois une petite activité associée de transformation de produit permet de régulariser les flux économiques sur l’année

Toutes sortes de pratiques et de projets adaptés aux contextes locaux, souvent innovants  sur le plan technique et social, favorisent la résilience  et l’autonomisation des femmes  dans des sociétés de plus en plus déstructurées par les crises politiques, environnementales, sanitaires et sociales.

Deux exemples en passant: sur des parcelles de 25m carrés, des femmes éthiopiennes séropositives cultivent fruits et légumes, ce qui leur donnent à la fois une meilleure santé pour elles et leurs enfants, et aussi leur permettent de retrouver une place sociale (c’est un projet accompagné par l’USAID).

A Nairobi, au Kenya, dans les zones très denses en population, il n’y a même pas la place de cultiver de tous petits lopins de terre, les femmes ont donc imaginé le potager en sac. Des sacs en plastique tissé, remplis de terre, avec, au centre des pierres pour réguler l’humidité, troués sur les côtés, permettent de produire des légumes devant la maison ou dans la cour. 

Micro-entrepreuneuriat, travail communautaire, pratiques agricoles ancestrales ou franchement novatrices, c’est comme ça que les femmes nourrissent le monde.

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  1. Pascale

    Merci bien chère soeur permacultrice et humaniste 😊comme toujours on apprend plein de choses et on retrouve de l’espoir dans ce monde de brutes conquérantes de sols ! !!

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