Hommage aux maraîchers de Paris

Une ville à nourrir, c’est pas rien ! Fournir des légumes en primeur et hors-saison pour un million d’habitants, sans moyen d’importer la production des campagnes et provinces environnantes. Au milieu du 19ème, pas de trains routiers, pas de camions de 40 tonnes, pas de poivrons espagnols, de tomates marocaines, de concombres italiens. Il fallait produire à proximité.

Les techniques de maraîchage utilsées à cette époque étaient en symbiose avec l’environnement: imaginez la ville de Paris à cette époque (relisez Victor Hugo), le cheval est au centre de la vie économique et des tonnes de crottin sont produites… et pas perdues pour tout le monde: les maraîchers  en font grande consommation, leurs chevaux livraient à l’aube les légumes aux halles, et revenaient la charrette pleine de fumier, ce qui libérait les rues de tas de crottin susceptibles de contaminer l’eau et de transmettre des maladies.

Les maraîchers de Paris, dont l’habileté était déjà reconnue vers 1670 par Jean-Baptiste de La Quintinie, (voir mon précédent article) tirent leur nom de marais, terme qui désignait à l’époque les jardins aménagés sur des terrains bas, souvent anciennement marécageux, situés dans les villes ou aux alentours. A l’époque, ils avaient été chassés par l’urbanisation des quartiers centraux de Paris et s’étaient réinstallés dans les anciens villages qui venaient d’être annexés par la ville. Les nouveaux quartiers construits les pousseront toujours plus en périphérie, les obligeant à retravailler des sols pour en tirer le maximum, ce qui prend quelques années et beaucoup d’efforts.  Les pratiques culturales ignoraient encore l’emploi des engrais de synthèse et des produits phytosanitaires, et tiraient parti de méthodes traditionnelles bien établies.  Les innovations comme l’utilisation des châssis  et des cloches de verre permettant la culture forcée et ainsi de faire 4 récoltes dans l’année. Nous avons de la peine à imaginer cette culture en cloches et châssis et l’attention qu’il faut pour que le légume ne gèle pas, ne brûle pas, aie de l’air et de l’eau en quantité adéquate. Mettre les cloches et les enlever plusieurs fois par jour, construire des châssis, rester debout les nuits pour surveiller les gelées : Tout cela n’a rien de romantique, mais ces pratiques  culturales correspondent à celles de l’agriculture biologique, avant la lettre.

Si aujourd’hui, débutants et initiés disposons pour améliorer nos pratiques en cultures potagères, florales, maraîchères, de moult sites internet, bouquins et vidéo YouTube, en 1830, il n’en était rien.

En 1840, est publié à Paris « le manuel pratique de la culture maraîchère de Paris »,  par Moreau et  Daverne. Cet ouvrage est le premier témoignage détaillé sur la vie et les pratiques de la culture maraîchère telle qu’elle était pratiquée dans Paris intra-muros au 19ème siècle. Il décrit de façon exhaustive, en 13 chapitres, les cultures, les instruments utilisés et l’organisation de la profession. Ces pratiques de jardinage intensif, employant beaucoup de main-d’œuvre sur des surfaces très restreintes, sont décrites mois par mois et culture par culture. En 1845, les « jardiniers-maraîchers » de Paris, qui formaient une caste dont le savoir se transmettait de génération en génération, exploitaient 1 378 hectares de terres, réparties en 1 800 jardins de 650 m2 de superficie moyenne, et employaient 9 000 personnes, soit en moyenne 5 par jardin, le maître-jardinier et son épouse, leurs enfants et des garçons jardiniers salariés.

La permaculture s’est inspiré de ces techniques de cultures caractérisée par la création de  symbioses avec l’environnement. Il y a de la sagesse à retrouver les techniques du 19ème, même si aujourd’hui, dans nos potagers, nous avons des dispositifs  qui nous facilitent la vie (les serres et les systèmes d’arrosage, par exemple).  De nombreux jardiniers s’essayent aux couches chaudes pour produire de tendres salades et de jolies carottes primeur par exemple.

Nous pouvons rendre un hommage laudateur aux maraîchers-jardiniers de Paris!

Précédent

L’inventaire à La Quintinie

Suivant

L’ami céleri

  1. pascale

    bravo ! on s’abonne !

Laisser un commentaire

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén